La genèse du projet…
Comme beaucoup de belles histoires, tout a commencé en plein COVID. Ça faisait longtemps que j’étais abonné à Backcountry en version US, et que j’appréciais leur ton, et ce mélange des genres décomplexé qui mixait ski de rando poudreuse, splitboard et télémark. J’avais déjà pensé à en faire une version française, qui s’intéresserait à nos montagnes, au saucisson plus qu’au beef jerky, et à une culture de la rando cousine mais pas complètement équivalente.
Le confinement et les envies de nature n’ont fait que renforcer mon sentiment d’urgence à voir advenir un tel magazine. J’ai écrit à Adam « Howie » Howard, l’éditeur du titre aux US, pour lui demander s’il serait intéressé, et à ma surprise il m’a répondu quasiment dans l’heure (au décalage horaire près). « Ça fait longtemps qu’on veut s’implanter en Europe, mais on n’a jamais su par où commencer » me dit-il en substance.
Ça tombait bien, après plus de 15ans à tremper dans la plupart des aventures éditoriales ski et snowboard de l’hexagone, j’avais une bonne idée de ce que la France pouvait apporter à Backcountry, et vice versa. Quelques réunions Zoom plus tard, le projet était lancé. On s’est tapés numériquement dans la main et on s’est retroussé les manches : Backcountry France était né ! L’idée n’était pas de traduire de l’américain vers le français, mais bien d’adapter le contenu, en tirant parti de l’aura et de la réputation formidable de Backcountry aux US, tout en apportant un contenu très local, très européen, qui sente le fromage et le granite.
La sortie du 1er numéro
Le premier numéro est sorti à l’automne 2021 et a rencontré un public enthousiaste. Howie m’a invité à rejoindre l’équipe des testeurs en Utah le printemps suivant, et j’ai pu le rencontrer pour la première fois en chair et en os, et me frotter à la réalité de terrain de tests « à l’américaine » (une expérience que je relate dans le numéro 2 de Backcountry sous le titre « bières, drogue et peaux de phoques »).
Le deuxième numéro est disponible depuis cet automne, avec un papier bas carbone très sensuel, et un gros travail sur une impression éco-responsable, sans faire aucun compromis sur la qualité du contenu.
L’interview d’Adam Howard
Pour finir de présenter cette expérience, j’ai posé 3 questions à Howie. Je résume ses réponses il y en avait pour 6 pages de cahier écrites serré…
Mathieu Ros : Howie tu peux me raconter ta version de Backcountry France?
Adam « Howie » Howard : Ce dont je me rappelle c’est de ce taré de Français qui m’a appelé un jour, on a commencé à parler, c’était marrant et puis on l’a fait. Ah ah. Plus sérieusement, pour résumer notre état d’esprit, je citerais mon ami le photographe Mark Shapiro, qui quand il a appris qu’on préparait une version française de Backcountry m’a dit « comme si vous aviez quelque chose à apprendre aux français sur le ski de rando ». Mais c’est un peu comme le Mountain Bike, les Européens dominent largement ce sport, que ce soit en DH ou en XC, alors que ça vient des US. La beauté de ce qu’on fait vient de l’interprétation, c’est ça qui est intéressant dans Backcountry France, que tu viennes nous voir et que tu réinterprètes ce qu’on fait, c’est vraiment super enrichissant pour tout le monde.
Mat : comment a commencé cette aventure de Backcountry US, et où en est-on aujourd’hui ?
Howie : C’est un titre qui a été fondé en 1994 par Betsy et David Harrower, qui étaient des fanatiques de montagne et de ski de randonnée (à une époque où la grande majorité des Américains, moi le premier, faisaient de la rando en télémark), et Brian Litz, un gars qui écrivait des topos, notamment un livre très connu ici, « Colorado Hut to Hut ».
En aout 2002, ça faisait des années que j’écrivais pour Backcountry et Powder, et j’ai décidé d’arrêter de planter des clous la journée et de devenir un journaliste indépendant à plein temps. Le lendemain de cette décision, David Harrower m’appelle pour me dire que Backcountry c’était fini, qu’il mettait la clé sous la porte. Pour résumer la suite, j’ai fini par trouver un groupe d’amis et fonder Height Of Land Publications, on a réussi à reprendre le titre avec 60000$ en poche, et 4ans plus tard on rachetait Couloir, un magazine en noir et blanc de Telemark avec lequel on a fusionné, et en 2008 Alpinist. Aujourd’hui, il y a 4 titres (avec Cross Country Skier et Mountain Flyer, un magazine de VTT) et on est une vingtaine de personnes à travailler depuis nos bureaux de Jeffersonville, dans le Vermont.
Mat : comment tu vois le futur de publications comme Backcountry ?
Howie : On a été perturbés par le COVID et par Outside qui a racheté la plupart de nos concurrents pour au final les détruire, et je pense que les magazines imprimés vont continuer à faire face à de grands défis. Mais si on se concentre sur nos lecteurs, qu’on respecte leur intelligence et leur fidélité, il y a un vrai avenir pour des titres comme Backcountry. Les magazines qui ont fermé boutique ces dernières années étaient pour la plupart des publications qui ont trop voulu aller dans le sens des annonceurs et de la publicité, et qui ont oublié que porter un discours de marque n’est ni pertinent ni durable.
On me dit souvent que je suis old school, mais je crois que faire confiance et respecter notre métier et ceux qui le font et l’achètent est au cœur de tout. OK en m’écoutant je me dis que ça ne ressemble pas trop à une stratégie entrepreneuriale, ahah. Mais avant tout, on est dans ce business pour se faire de nouveaux amis. Et on peut dire que ça marche.
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