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Comment réagir face à un patou

Patou : comment réagir face à ce chien de protection ?

En tant que passionnés de randonnée ou de VTT, vous êtes sûrement déjà tombés nez à nez avec le fameux « Patou », autrement dit le gardien des sommets qui surveille d’une main de maître son troupeau l’été. On vous partage alors tous les conseils de l’association SEA 74 qui a formé certains de nos collaborateurs durant ce mois de juin.

Sommaire

Il est 8h en ce jeudi 22 juin, lorsque Léa, Manon, Marion et Baptiste, collaborateurs chez Snowleader, prennent la route pour le Col de la Colombière, vers le Grand Bornand, pour assister à une session de formation aux chiens de protection, dispensée par la Société d’Économie Alpestre de Haute-Savoie (SEA 74), une association soutenue par notre fondation Snowleader dans le cadre de leur projet « Un berger dans mon école ».

Visuel pour un article sur comment réagir face au chien patou

Nous retrouvons Patrick, 70 ans et berger depuis (presque) toujours. Bâton de marche en bois, jumelles autour du cou, grand imperméable kaki en ce jour de pluie, il coche toutes les cases de l’image qu’on se fait du berger. Pourtant, il n’hésite pas à tordre le cou aux clichées du berger seul dans sa montagne, peu bavard et pas tellement sociable : lui sait que, s’il veut véhiculer des messages, il doit aller à la rencontre des randonneurs qui traversent l’alpage.

Il a vu son métier évoluer au grès des années et surtout la population croître en montagne. « L’été dernier avec la balise placée à l’entrée de l’alpage, nous avons comptabilisé 35 000 passages » nous précise-t-il. Aujourd’hui, nous sommes venus à sa rencontre pour en apprendre davantage sur les chiens de protection, pour savoir comment se comporter face à eux, pour être sensibilisés et pour informer à notre tour la communauté outdoor de Snowleader. À ses côtés, Léna, chargée de mission alpages à la SEA 74.

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La montagne n’est pas qu’un terrain de jeu !

La montagne (et l’alpage) est à la fois un lieu de vie d’espèces animales et végétales, un territoire d’élevage, un réservoir d’eau, un espace de détente et de loisirs. Se croisent de nombreux acteurs : bergers, éleveurs, forestiers, randonneurs, traileurs, vététistes… Ces espaces, et le fromage produit, sont l’identité du territoire haut-savoyard, notre patrimoine naturel.

Depuis de nombreuses années maintenant le loup et le lynx parcourent les Alpes ; leur population est grandissante. Dès lors, les chiens de protection représentent pour les éleveurs une aide précieuse. Les bergers sont désormais nombreux à en posséder pour surveiller leur troupeau et éviter des attaques.

« On sort de ce discours pro ou anti loups, nous sommes au- delà, nous pensons conciliation des usages sur un même territoire et préservation à la fois de ces grands prédateurs et des troupeaux » relate Léna.

Une méthode qui s’avère efficace mais qui peut inquiéter lorsque vous, randonneurs, vous trouvez face à un patou vous aboyant dessus. Alors, apprenons à les connaître pour agir au mieux.

Visuel d'ambiance pour un article sur comment se comporter face à un chien de protection
Explications des intervenants sur les gestes à adopter face à un chien patou
Les différents types de chiens de protection en montagne

Pour les nommer, déjà, nous utilisons à tort le terme « patou » pour tous.
Montagne de Pyrénées, berger d’Asie centrale, berger de Maremme et Abruzzes, Kangal, berger d’Anatolie… il existe plusieurs races de chiens de protection mais un seul « patou » : le Montagne de Pyrénées. Comme ce jour-là avec nous, Tarzan qui garde le troupeau composé de 300 brebis. Ce dernier a l’air plutôt « avenant », il vient facilement à notre rencontre car il est habitué à la présence humaine. Or, il est primordial de ne jamais le caresser, même si le sentiment premier face à un chien de protection est plutôt la crainte.

À l’approche d’un troupeau, soyez vigilants.

Il est important d’avoir en tête que le rôle premier du chien de protection est de protéger son troupeau de la prédation (loups, lynx, chiens…), de jour comme de nuit, en alpage ou plus proche des villages. Les chiens sont souvent plusieurs notamment pour faire face à des meutes de loups.

« C’est le seul chien à qui on en demande autant, il bosse 24 sur 24 contrairement au chien d’avalanche par exemple. Et pour le chien de protection, le troupeau, c’est sa famille ! » précise Léna.

Chien de protection en train de surveiller son troupeau dans la montagne

Les chiots naissent au milieu de la bergerie pour les familiariser avec les animaux du troupeau pendant les deux premiers mois de leur existence. Ils s’imprègnent du troupeau qu’ils devront protéger toute leur vie. Si on les retire du troupeau, ils dépriment. Leur relation s’établit jusqu’à une acceptation totale et réciproque, un attachement très fort. L’éleveur apprend ensuite aux chiens de protection à écouter les bruits de la montagne, à rencontrer des randonneurs, des vététistes, pour l’accoutumer à cela.

Après quoi, ces chiens vivent de manière permanente au sein du troupeau, l’été sur le pâturage et l’hiver en bergerie. Ces liens les conditionnent pour réagir instinctivement à toute intrusion contre le troupeau.
Il est important de rappeler qu’ils ne sont pas éduqués pour l’attaque mais pour la dissuasion : leur corpulence et leurs aboiements puissants tiennent en respect les prédateurs.

Formation sur les chiens de protection en montagne pour apprendre à leur faire face

Courir vers les randonneurs en aboyant est donc ce qu’on leur demande de faire. Ils donnent l’alerte aussi bien pour les brebis que pour le berger.

Léna: «Il faut également savoir que le patou n’a pas une bonne vue : il voit bien à 5 mètres ce que nous visualisons à 30 mètres. Donc il aboie pour alerter et ensuite s’approche tout en aboyant pour dissuader ; jusqu’ici c’est son comportement normal. Il vient identifier ce qu’il y a vers le troupeau. Il peut venir proche pour sentir le randonneur. Là, on s’arrête, on enlève sa casquette et son sac à dos pour le mettre entre nous et lui en prévention, on ne fait pas de gestes brusques, les bâtons sont vers nous et non en l’air car ça pourrait lui faire peur. On lui parle. On le calme. Nous ne sommes pas une menace pour son troupeau ».

Les autres conseils dispensés durant cette session d’information sont de ne pas le regarder dans les yeux car c’est signe de confrontation pour lui. Il faut être patient et attendre, cela peut durer 5, 15 ou 30 minutes. Il se peut qu’il ait aussi passer une mauvaise nuit à protéger le troupeau ou que ce soit la fin de saison et qu’il en ait marre…

Si le chien ne se calme pas, l’option du demi-tour peut être envisagée, ou bien de contourner très largement le troupeau si vous êtes en itinérance et que le demi-tour n’est pas possible.

Dans tous les cas, observez le chien, son comportement, pour tenter de comprendre ce qu’il se passe : son poil est ébouriffé, sa queue bouge beaucoup, vous êtes face à un chien énervé. Il se met à bailler, voilà un chien détendu. Ce peut également être un signe pour lui si vous baillez, cela prouvera que vous êtes détendus et donc pas une menace. Il doit simplement avoir le temps d’identifier la situation. Alors, navrée pour votre chrono, les traileurs, mais le temps à cet instant est votre allié. En effet, la vitesse de déplacement est perçue comme une menace.

Chien patou en montagne

« Sur le mode impératif, vous pouvez aussi à un moment donné dire au chien « File au troupeau » ou « file aux moutons ». Il a l’habitude d’entendre cela du berger. Sachez toutefois que le chien de protection est autonome, il prend ses propres décisions. Une hiérarchie s’instaure avec le berger car c’est lui qui le nourrit, mais il n’aura pas la même relation qu’avec ses chiens de conduite (souvent des Border Collie) qui eux sont là pour diriger et rassembler le troupeau » précise Patrick.

Votre vigilance sera à redoubler en cas de brouillard et de pluie car la visibilité est mauvaise pour vous et surtout pour le chien de protection, qui sera donc doublement méfiant. Les loups le savent et si une trop grande pression pèse sur le troupeau, le berger peut être aidé de l’Office Français de la Biodiversité.

Alors, soyons prévenants et partageons la montagne et l’alpage cet été.

Randonneurs qui contournent un troupeau

Petit récap’ des gestes et comportement à adopter face aux chiens de protection :

  • Pensez toujours à garder vos distances. L’irruption de tout élément étranger au troupeau, met le chien de protection en alerte. Il doit venir vous flairer pour vous identifier. Après quoi, il regagne son troupeau. Parfois, il peut tenter de vous intimider.

  • Si vous croisez un troupeau, dans la mesure du possible et sans vous mettre en danger, contournez largement ce troupeau.

  • Signalez-vous pour ne pas surprendre le chien.

  • Attention aux comportements qui vous semblent anodins (tenter de nourrir, prendre en photo un chien de protection, un mouton…) : le chien de protection peut les interpréter comme une agression.

  • Face à un chien de protection, adoptez un comportement calme et passif pour le rassurer. Si vous êtes impressionnés, opérez lentement un demi-tour.

  • Si vous êtes accompagnés de votre chien tenu en laisse, vous devez lâcher sa laisse car une hiérarchie va s’instaurer : votre chien est sur son territoire. Ne le prenez pas dans vos bras.

  • Si vous êtes munis de bâtons de marche, ne menacez pas les chiens avec, gardez les pointes vers le bas. Les chiens de protection ont une mémoire et ils se souviendront qu’un randonneur l’a blessé avec un bâton, or ils n’ont pas été élevés de la sorte. Pour eux, durant leur apprentissage, le randonneur n’est pas une menace.

  • Si vous êtes à vélo, il est préférable d’en descendre, de vous mettre derrière entre le vélo et le chien, et de marcher à côté.

  • Dans tous les cas, arrêtez-vous : cela permet aux chiens de protection de vous identifier. Le chien finira par retourner au troupeau.

  • Pensez à repérer les panneaux vous informant de la présence des chiens de protection, cela évitera votre surprise.

Si vous préférez lire cela sous forme de bande dessinée, c’est possible par ici ou ici en vidéo.

Pour aller plus loin :

Randonneurs, traileurs, vététistes, cavaliers… Vous souhaitez rendre compte d’une expérience avec les chiens de protection ?
Soucieux de la bonne entente entre utilisateurs des espaces pastoraux, le réseau Pastoral AuRA travaille sur les relations entre loisirs de plein air et chiens de protection, afin d’améliorer la cohabitation entre les activités des éleveurs et celles de pleine nature. Partagez votre expérience positive ou négative via un questionnaire pour que les services pastoraux et de l’État puissent recenser les cas, comprendre le déroulement des rencontres et mettre en place des actions pertinentes.

Des associations comme WWF, Euro Large Carnivores ou OPPAL en Suisse, agissent pour faciliter la coexistence entre les activités humaines et le loup. Et notamment en soutenant les éleveurs dans les zones d’estivage en mettant à disposition des veilleurs pour surveiller leurs troupeaux. Ces programmes permettent de relayer le berger et assure une surveillance continue lorsque celui-ci se repose durant la nuit. En somme, des « yeux » supplémentaires sur les estives afin d’empêcher les attaques de prédateurs.

Pour cela, ces associations recherchent généralement des bénévoles.


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