Avec un nom aussi énigmatique qu’une bande de braqueurs, le « gang des moustaches » s’est rapidement fait un nom dans le milieu très fermé des alpinistes de classe mondiale. Fidèles à une devise digne de « impossible is nothing », la bande de Fred Degoulet a réussi ce que beaucoup d’alpinistes professionnels ont un jour rêvé : gravir le sommet du Nupste (7742m) – un voisin de l’Everest – par sa face sud. Une expédition qui leur a valu un Piolet d’Or. La reconnaissance ultime dans ce milieu. Winter Expérience GORE-TEX vous embarque avec Fred dans un épique voyage en très haute montagne.
Fin 2017, trois Français bousculent l’establishment des alpinistes évoluant à plus de 7000m. Le Gang des Moustaches – c’est son nom – vient de vaincre la face sud du Nuptse (7742m) après 6 jours d’ascension et 2 jours de descente. Jamais personne n’avait réussi ou peut-être même imaginé que ce sommet était atteignable par cette face. Même eux ont mis longtemps à le concevoir. Une difficulté digne de la face nord des Grandes Jorasses, selon les experts, mais tout cela entre 5400 et 7742m d’altitude ! Il leur a fallu une première expédition en 2015 pour repérer, puis une seconde en 2016 pour l’expérience (ils ont dû faire demi-tour vers 7400m), avant de trouver les clés de cette face à la fois terrifiante et inspirante. Trois tentatives pour comprendre comment appréhender cette voie, comment se préparer et comment s’équiper pour optimiser un matériel qui doit être minimal pour le poids, tout en étant suffisant pour la survie. Fred Degoulet, guide de haute montagne dans les Ecrins est l’un des membres de cette cordée. Il a eu la gentillesse de répondre à nos questions pour cet article.
Fred, explique-nous qui est « le Gang des Moustaches » ?
C’est une équipe née en 2014 au Pérou durant une expédition où l’on était quatre (Benjamin Guigonnet, Hélias Millerioux, Robin Revest et moi-même). Lorsqu’on s’est retrouvés au camp de base de cette expédition, l’un des gars de la bande est parti se raser mais est revenu en ayant laissé la moustache. Ça nous a fait tellement marrer que l’on a décidé de tous faire pareil. L’expé a duré 5 jours. C’était dur, engagé. Mais quand on se voyait les uns et les autres avec cette moustache qui frôlait parfois le ridicule, on éclatait de rire. Porter cette moustache est alors devenu un moyen de se lâcher, d’évacuer le stress. Et puis le nom « Gang des moustaches » vient surtout du fait que, durant cette expédition, on a réussi à atteindre le sommet du premier coup. C’était inespéré, presque un coup de chance. On se sentait un peu comme des voleurs d’avoir réussi du premier coup, comme si on avait volé le sommet, d’où le nom.
Dans cette équipe, il y a Benjamin, le dénicheur de projets. C’est le meilleur de la bande en escalade ; il grimpe dans le 9ème degré. Quand on le voit la première fois, on ne peut pas trop imaginer qu’il est fait pour ce genre d’expéditions. Il est tout frêle, mais il est très fort techniquement et est doté d’une force dans les doigts qui est juste incroyable.
Hélias, de son côté, est un hyper optimiste qui ne lâche jamais rien. C’est un gros nounours qui peut endurer énormément de situations. Robuste mais tendre, avec un cœur gros comme ça… Quand il parle, il nous sort souvent des discussions loufoques. Rien que de le voir et de parler, ça nous occupe !
Fred (notre interviewé du jour), c’est le communicant de l’équipe, en lien avec les médias et les partenaires. C’est lui qui s’occupe de faire les dossiers de présentation pour chercher des sponsors. C’est aussi un peu le clown de l’équipe. Selon ses propres mots, il n’excelle pas vraiment dans un domaine, mais arrive à se transcender quand il le faut. Plus il y a de stress et plus il se dépasse. Robin, présent dès les premières heures du Gang des Moustaches au Pérou avait décidé de ne pas prendre part à la dernière tentative sur le Nuptse, car la haute altitude n’était pas un élément qui lui convenait de trop. Un solide gaillard malgré tout.
Vous avez réalisé une première mondiale sur le Nuptse, un sommet voisin de l’Everest. Outre son altitude, qu’est-ce que cette face a de particulier ?
Cette paroi c’est plus qu’une montagne, c’est un mur ! C’est une barrière qui est extrêmement complexe quand on la regarde du premier abord. Au milieu de cette face sud, il y avait eu une dizaine de tentatives jusqu’alors, mais sans réel succès. Une voie un peu plus en neige avait toutefois été réalisée dans la face sud, mais la difficulté n’était pas comparable.
Se dire que c’est quasiment impossible a été notre plus grande motivation ! On était véritablement obsédés par cette face et l’on cherchait à se convaincre qu’il y avait forcément un passage. A force d’acharnement et de temps, cette équation à plusieurs inconnues a commencé à livrer ses secrets. On y voyait plus clair. C’est cette complexité du cheminement sur une face en très haute montagne avec une difficulté extrêmement soutenue qui nous attiré.
« Le Nuptse (face sud), une des dernières faces de l’Himalaya à être vaincue. »
Réaliser une première sur cet itinéraire, ça représente quoi ?
Ouvrir une voie, c’est un peu marquer son temps. Lorsque l’on est partis là-bas, le but était vraiment de réaliser une voie très dure. On aurait pu chercher à réaliser une première sur un itinéraire ou un sommet moins complexe mais ça n’était pas notre état d’esprit. On a choisi cette voie parce qu’elle nous offrait un challenge très intéressant à relever, quasiment impossible. Lorsque l’on a sorti le sommet, après quasiment trois ans de préparation, de tentatives et d’échecs, on savait que l’on avait réalisé quelque chose de grand.
Lorsque l’on réalise une première, on ouvre la voie. On a aucun repère, aucune info sur ce qui nous attend. C’est nous-même qui fixons la cotation (le grade de difficulté, NLDR).
Ainsi il est très difficile de comparer deux performances entre elles. Une grosse réalisation dans les Alpes peut parfois avoir davantage de « valeur » qu’une ouverture en Himalaya.
« Au retour de l’expédition, on savait que l’on avait frappé un grand coup, mais l’on ne savait pas jusqu’à quel point. »
C’est lorsque l’on s’est rendus compte de l’enthousiasme généré auprès de la communauté des alpinistes, que l’on a réalisé que l’on avait peut-être fait quelque chose qui était hors du commun.
Réaliser une première devient de plus en plus rare de nos jours. Il reste bien quelques faces à ne pas avoir été ouvertes mais des faces mythiques comme ça ne sont plus très nombreuses à ne pas avoir été gravies. Ou alors, on peut voir la chose différemment et considérer qu’il reste beaucoup de faces et voies à gravir dans un style alpin, le plus pur. Un style d’ascension sans cordes fixes et sans oxygène (style himalayen). C’est notre conception de l’alpinisme et je pense que l’évolution du matériel ouvrira de nouvelles perspectives qui permettront encore de belles découvertes ou redécouvertes, presque de nouvelles premières !
Une expédition qui obtient le Piolet d’Or, c’est quoi ?
Ce « Piolet d’Or » c’est un peu l’équivalent de la Palme d’Or de Cannes pour le monde de la montagne. Il récompense la plus belle ouverture de l’année. C’est une reconnaissance de ses pairs, c’est-à-dire des gens qui savent ce qu’est la montagne et ce qu’est l’alpinisme dans son plus simple appareil. Obtenir cet « award » nous donne alors l’impression de faire partie de l’histoire de l’alpinisme. Moi j’ai toujours admiré les grands noms de l’alpinisme, ils me faisaient rêver. Quand j’étais petit, j’étais à des années-lumière de penser que j’atteindrais un jour ce niveau-là. C’est un accomplissement d’un rêve inconscient que j’avais depuis longtemps.
Le projet – La troisième tentative – en mots et en images
Plutôt qu’un long discours de ces 6 jours d’ascension, on vous laisse découvrir en images cette épopée, avec les mots et commentaires de Fred Degoulet, ambassadeur GORE-TEX.
Nous espérons que cette plongée dans l’univers de cette cordée de haut niveau vous a plu et nous vous donnons rendez-vous dans quelques jours pour d’autres contenus relatifs à cette expédition. Gardez un œil sur les réseaux sociaux de Snowleader, car ça devrait vous plaire ! A bientôt.